j'ai croisé ce camion obscène - plus une grosse camionnette, genre véhicule commercial -
je rentrais du travail
glissant sur les pneus tout neufs de mon vélo, garé là qu'il était, un peu fier sûrement, avec dessus l'image très grande d'un animal polaire et le mot climatisation. à ce moment, je pensais à mon chef, légèrement fou et intégré et puis au temps passé sur cette route. le matin dans l'obscurité, le soir. certaines nuits, je ne rentre pas chez moi et ça crée un décalage - je ne sais plus quel jour nous sommes, est-ce que c'est mercredi, dimanche. je travaille souvent les week-ends et les jours fériés. il faudrait borner le temps de façon très précise, structurer, des petits cubes empilés comme dans les agendas, on les bouge à droite, à gauche et alors
le temps passe.
j'attends
j'utilise énormément d'énergie à occuper ma mémoire. dedans il y a des chiffres que je retiens sans aucune raison. parfois des phrases qui restent et des images poétiques rêvées - j'ai vu hier deux nuages qui filaient à pleine vitesse sur la toile sombre du ciel sans étoile.
j'attends de repartir en mer pour un certain moment parce que le temps est différent loin des choses. je suis bizarrement conscient du réseau nerveux sous ma peau, cartographie de l'attente. du manque.
il crie avec des sensations
c'est un cri silencieux comme celui de munch. on ne sait pas bien pourquoi il crie. c'est beaucoup plus global. c'est beaucoup plus profond à l'intérieur. donc sans me faire prier j'accepte les verres qui passent et feint de converser en toute situation. parler dehors et taire dedans. ensuite seulement, les yeux se ferment et le sommeil mélangé de panique. il manque des bornes
il manque les flèches qui pointent dans la bonne direction
sommeil
panique
réveil
sommeil
et puis réveil dans un train ou un avion avec un sac à dos au format cabine et toujours les mêmes fringues dedans. ça ressemble à une fuite cartoonesque. une fuite qui tourne en rond entourée de poussière et d'onomatopées. tant et si bien que la vitesse finit par m'effrayer, que la route me répugne. sale. vicelarde. je marche dans des villes surplombées d'une chape de gaz toxiques, en paix. autour il y a des autres. ils sont très bruyants et ne me voient pas, c'est comme un cocon, un retour au bouillon d'origine
le temps passe diablement plus vite
plus vide
tout ce qui dépasse écrase le temps
jusqu'au sifflet final broooom, sifflet de fin du cycle donc de début de décompte. des vagues. du vent. les flots gris du lendemain d'orage, pleins des choses éphémères qui vont de l'eau au sable